poèmes
    

José Maria de Heredia
sa vie, son oeuvre

Un poème au hasard


 
La Vision de Khem (L'orient et Les Tropiques)
I



Midi. L'air brûle, et sous la terrible lumière

Le vieux fleuve alangui roule des flots de plomb

Du zénith aveuglant le jour tombe d'aplomb,

Et l'implacable Phré couvre l'Égypte entière.



Les grands sphinx qui jamais n'ont baissé la paupière,

Allongés sur leur flanc que baigne un sable blond,

Poursuivent d'un regard mystérieux et long

L'élan démesuré des aiguilles de pierre.



Seul, tachant d'un point noir le ciel blanc et serein,

Au loin, tourne sans fin le vol des gypaètes ;

La flamme immense endort les hommes et les bêtes.



Le sol ardent pétille, et l'Anubis d'airain

Immobile au milieu de cette chaude joie

Silencieusement vers le soleil aboie.



          II



La lune sur le Nil, splendide et ronde, luit.

Et voici que s'émeut la nécropole antique

Où chaque roi, gardant la pose hiératique,

Gît sous la bandelette et le funèbre enduit.



Tel qu'aux jours de Rhamsès, innombrable et sans bruit,

Tout un peuple formant le cortège mystique,

Multitude qu'absorbe un calme granitique,

S'ordonne et se déploie et marche dans la nuit.



Se détachant des murs brodés d'hiéroglyphes,

Ils suivent la Bari que portent les pontifes

D'Amon-Ra, le grand Dieu conducteur du soleil ;



Et les sphinx, les béliers ceints du disque vermeil,

Eblouis, d'un seul coup se dressant sur leurs griffes,

S'éveillent en sursaut de l'éternel sommeil.



          III



Et la foule grandit plus innombrable encor.

Et le sombre hypogée où s'alignent les couches

Est vide. Du milieu déserté des cartouches,

Les éperviers sacrés ont repris leur essor.



Bêtes, peuples et rois, ils vont. L'uraeus d'or

S'enroule, étincelant, autour des fronts farouches ;

Mais le bitume épais scelle les maigres bouches.

En tête, les grands dieux : Hor, Khnoum, Ptah, Neith, Hathor.



Puis tous ceux que conduit Toth Ibiocéphale,

Vêtus de la schenti, coiffés du pschent, ornés

Du lotus bleu. La pompe errante et triomphale



Ondule dans l'horreur des temples ruinés,

Et la lune, éclatant au pavé froid des salles,

Prolonge étrangement des ombres colossales.



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