poèmes
    

Émile Verhaeren
sa vie, son oeuvre

Un poème au hasard


 
Lorsque tu fermeras mes yeux à la lumière
Lorsque tu fermeras mes yeux à la lumière,
Baise-les longuement, car ils t'auront donné
Tout ce qui peut tenir d'amour passionné
Dans le dernier regard de leur ferveur dernière.
Sous l'immobile éclat du funèbre flambeau,
Penche vers leur adieu ton triste et beau visage
Pour que s'imprime et dure en eux la seule image
Qu'ils garderont dans le tombeau.
Et que je sente, avant que le cercueil ne se cloue,
Sur le lit pur et blanc se rejoindre nos mains,
Et que près de mon front, sur les pales coussins,
Une suprême fois se repose ta joue.
Et qu'après je m'en aille au loin avec mon coeur
Qui te conservera une flamme si forte
Que même à travers la terre compacte et morte
Les autres morts en sentiront l'ardeur.

 (Recueil : Les heures du soir  - 1905)

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