V- Le Marchand de tulipes
Un fendant, un raffiné.
Poésies de Scarron.
« Mes crocs aiguisés en pointe ressemblent à la queue de
la
tarasque, mon linge est aussi blanc qu'une nappe de cabaret, et mon
pourpoint n'est pas plus vieux que les tapisseries de la couronne.
« S'imaginerait-on jamais, à voir ma pimpante dégaîne,
que la
faim, logée dans mon ventre, y tire - la bourelle! - une corde qui
m'étrangle comme un pendu!
« Ah! si de cette fenêtre, où grésille une lumière,
était
seulement tombée dans la corne de mon feutre une mauviette rôtie
au
lieu de cette fleur fanée.
« La place Royale est ce soir, aux falots, claire comme une
chapelle! - Gare la litière! - Fraîche limonade! - Macarons de
Naples!
- Or ça, petit, que je goûte avec le doigt ta truite à la
sauce! Drôle!
il manque des épices dans ton poisson d'avril.
« N'est-ce pas la Marion Delorme au bras du duc de Longueville?
Trois bichons la suivent en jappant. Elle a de beaux diamants dans les
yeux, la jeune courtisane! - Il a de beaux rubis sur le nez, le vieux
courtisan! »
*
* *
Et le raffiné se panadait le poing sur sa hanche, coudoyant les
promeneurs et souriant aux promeneuses. Il n'avait pas de quoi dîner;
il acheta un bouquet de violettes.
Gaspard de la nuit