poèmes
    

Aloysius Bertrand
sa vie, son oeuvre

Un poème au hasard


 
V- Le Marchand de tulipes

Un fendant, un raffiné.
Poésies de Scarron.


« Mes crocs aiguisés en pointe ressemblent à la queue de la
tarasque, mon linge est aussi blanc qu'une nappe de cabaret, et mon
pourpoint n'est pas plus vieux que les tapisseries de la couronne.

« S'imaginerait-on jamais, à voir ma pimpante dégaîne, que la
faim, logée dans mon ventre, y tire - la bourelle! - une corde qui
m'étrangle comme un pendu!

« Ah! si de cette fenêtre, où grésille une lumière, était
seulement tombée dans la corne de mon feutre une mauviette rôtie au
lieu de cette fleur fanée.

« La place Royale est ce soir, aux falots, claire comme une
chapelle! - Gare la litière! - Fraîche limonade! - Macarons de Naples!
- Or ça, petit, que je goûte avec le doigt ta truite à la sauce! Drôle!
il manque des épices dans ton poisson d'avril.

« N'est-ce pas la Marion Delorme au bras du duc de Longueville?
Trois bichons la suivent en jappant. Elle a de beaux diamants dans les
yeux, la jeune courtisane! - Il a de beaux rubis sur le nez, le vieux
courtisan! »

                    *
                   * *

Et le raffiné se panadait le poing sur sa hanche, coudoyant les
promeneurs et souriant aux promeneuses. Il n'avait pas de quoi dîner;
il acheta un bouquet de violettes.

Gaspard de la nuit

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