poèmes
    

François Villon
sa vie, son oeuvre

Un poème au hasard


 
Ballade et oraison

Pere Noé, qui plantastes la vigne,
Vous aussi, Loth, qui bustes ou rocher
Par tel party qu'Amours, qui gens engingne,
De voz filles si vous fist approucher
- Pas ne le dy pour le vous reproucher -,
Archedeclin qui bien seustes cest art,
Tous trois vous pry que vous vueilliez prescher
L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart.

Jadis extraict il fut de vostre ligne
Lui qui buvoit du meilleur et plus cher,
Et ne deust il avoir vaillant ung pigne,
Certes, sur tous c'estoit ung bon archer ;
On ne luy sceust pot des mains arracher ;
De bien boire ne feut oncques fetart.
Nobles seigneurs, ne souffrez empescher
L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart.

Comme homme beu qui chancelle et trepigne
L'ay veu souvent, quant il s'alloit coucher,
Et une foiz il se fist une bigne,
Bien m'en souvient, pour la pie juchier.
Brief, on n'eust sceu en ce monde sercher
Meilleur pïon, pour boire tost et tart.
Faictes entrer, quant vous orrez hucher,
L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart.

Prince, il n'eust sceu jusqu'a terre cracher.
Tousjours crioit: « Haro, la gorge m'art ! »
Et si ne sceust onc sa seuf estancher
L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart.


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