poèmes
    

Émile Nelligan
sa vie, son oeuvre

Un poème au hasard


 
Le Tombeau de la Négresse


Après que nous eut fui le grand vent des hivers,
Aux derniers ciels pâlis de mars, nous la menâmes
Dans le hallier funèbre aux odeurs de cinnames,
Où germaient les soupçons de nouveaux plants rouverts.

De hauts rameaux étaient criblés d'oiseaux divers
Et de tristes soupirs gonflaient leurs jeunes âmes.
Au limon moite et brut où nous la retournâmes,
Que l'Africaine dorme en paix dans les mois verts !

Le sol pieusement recouvra ses planches ;
Et le bon bengali, dans son château de branches,
Pleurera sur maint thème un peu de ses vingt ans.

Peut-être, revenus en un lointain printemps,
Verrons-nous, de son coeur, dans les buissons latents,
Éclore un grand lys noir entre des roses blanches.

              
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